Adolescence

CHAPITRE 1

La dixième année scolaire en ''science mathématique'' (le plus haut niveau d'aptitude intellectuelle) m’apparaissait difficile. Je souffrais d’une grande anxiété sociale et je croyais avoir tort de réagir timidement face aux autres. Mes éducateurs ignoraient ou feignaient d’ignorer comment éduquer convenablement ma tendance excessive à l’introversion. Peu à peu j’élaborais (sans le savoir) l’autobiographie de mes pensées… Voici mes écrits corrigés en gardant l'état d'esprit de l'époque.

17 octobre 65

Ce fut ma sixième semaine de classe à la ''Cité des Jeunes''. Je m'aperçois que la dixième année ''science mathématique'' est difficile. J'ai deux compagnons, mais pas d'amis. Je me rends compte de ma timidité. Mon but est d'accroître ma puissance intellectuelle par l'exercice de ma mémoire, de mon imagination, de ma créativité et de ma concentration. Ensuite, j'améliorerai mon attitude, cela exigera du courage et de la volonté. Nous sommes au coeur de l'automne. Déjà les feuilles rougeoient et tombent. Ce sera bientôt l'hiver que je n'ai jamais vu à l'Île Perrot.

22 octobre 65

On a eu l'été indien. Seules les feuilles les plus résistantes demeurent. La température refroidit. Il faut que j'étudie. Mon année scolaire est en jeu. Il faudra que je me mette corps et âme à l'étude. Il faut que je réussisse dans toutes les sciences puisque je suis au plus haut niveau (être en dixième science mathématique est le plus haut niveau d'aptitude intellectuelle). Je m'achemine lentement vers mon but. Mon second objectif est de cesser de m'énerver, agir et parler avec ma tête. Être calme et en santé est le meilleur chemin de la réussite avec le travail et l'esprit de recherche.

29 octobre 65

Il n'y a plus de feuilles aux arbres. Nous avons eu une bordée de neige. Un début d'hiver se fait sentir. Les jours raccourcissent. J'ai eu des examens qui décideront si je demeure au premier niveau. J'ai décidé de consacrer tous les jours une période de temps pour me connaître et m'améliorer. J'ignore si je tiendrai ma décision, mais j'essaierai.

5 novembre 65

En hiver les arbres sont dépouillés de leurs feuilles comme moi qui suis dépouillé de sagesse et de détermination. Je demeure au niveau supérieur tandis que la moitié de la classe s'en va au général, mais je me demande si ce ne serait pas à cause d'une chance exceptionnelle si je suis encore à ce niveau. Je continue un combat contre moi-même, parfois difficile, d'autres fois aisé. J'aimerais disposer d'une mémoire excellente, mais le temps me manque pour la développer. Ce que j'écris me semble sans intérêt. Je continue, je finirai par améliorer mes pensées.

12 novembre 65

La semaine s'est passée dans l'attente de mon bulletin. Mon titulaire m'a confirmé que j'étais apte pour demeurer à ce niveau. J'en fus heureux, mais dans mon bulletin j'ai constaté que mes notes étaient faibles. Il me faudra essayer de m'efforcer. J'aime lire tout ce qui concerne l'intelligence. Enfin, l'automne refroidit et ce sera bientôt l'hiver.
21 novembre 65
Cette semaine fut inhabituelle et agréable pour trois raisons. La première est la neige qui embellit cette nature morte et qui a recouvert le sol de près d'un pied de neige. La deuxième raison est la conséquence de cette neige; une journée de congé. Enfin je suis allé à Montréal et je me suis procuré six livres pour remplir mes heures libres et me divertir. Noël et les vacances ne seront pas comme les autres. Mon père s'est enfin décidé d'acheter une auto. Pour la première fois de ma vie je pourrai me balader et surtout apprendre à conduire.

28 novembre 65

Cette semaine fut plutôt morne. Pourquoi? Peut être que la précédente fut trop belle. Je voyais les jours et j'anticipais leurs fins. Aujourd'hui je m'angoisse pour la semaine prochaine. Je sais qu'il est vain de se tracasser et qu'il vaut mieux prendre la vie en riant même si cela est difficile. Dans la vie l'espérance et l'acceptation du quotidien sont nécessaires avec le sourire. Ce qui me répugne dans les milieux d'enseignement est le devoir de s'exprimer oralement devant la classe, d'être défier par des compagnons d'étude et interloquer par le professeur. Je sais que j'ai tort de réagir ainsi, mais je n'en suis pas responsable. La responsabilité de mon état revient à mes éducateurs qui n'ont pas su m'éduquer convenablement.

4 décembre 65

C'est le mois du temps des fêtes, mais aussi celui des examens. Cette semaine il a pleut et neigé. Ce n'était guère encourageant, mais je l'ai bien passée. Aujourd'hui samedi, la famille est allée à Montréal et j'ai préféré demeurer ici seul pour être en paix et faire mes devoirs scolaires. En classe j'ai un ennemi qui me traite de toutes les façons. Il y a toujours un ''haïssable'' dans une classe et il faut agir le plus diplomatiquement possible avec ces gens-là.

12 décembre 65

Mon père s'est enfin décidé d'acheter une auto. . Dans deux semaines ce sera Noël. J'ai hâte pour les vacances, mais pas pour les visites traditionnelles. Les examens approchent. J'ai suis moins anxieux que le mois passé, mais j'ai peur de ne pas avoir peur, car c'est lorsqu'on se méfie peu que les avanies se produisent. J'ai manqué la messe du 8 décembre et celle d'aujourd'hui. Trois péchés graves ne me causent aucun remord. Je me demande si j'ai une conscience. Pourtant, j'ai l'intention de faire la paix avec Dieu, car sans la paix de Dieu il ne peut y avoir de bonheur.

19 décembre 65

Cette semaine fut remarquable. Mes parents ont acheté une auto à Montréal. Mon père avait de la difficulté à conduire. C'est un apprenti. Une inquiétude le tenaillait, une lumière scintillait sur le tableau de bord. Deux jours plus tard quand il est venu me chercher à ''La Cité Des Jeunes'' pour me reconduire chez nous, la lumière demeurait allumée et d'un coup le moteur s'est éteint. Nous étions incapables de repartir. Le garagiste constata que le moteur était brûlé. Après avoir chialé toute la fin de semaine mon père a décidé qu'il changera peut-être de moteur. J'ai passé mes examens que j'ai trouvés faciles. Les vacances arrivent et un bonheur plus beau m'apparaît de plus en plus proche. Que ferais-je sans de temps de vacances? Il faut des temps de repos et j'essaierai d'en profiter le plus possible.

26 décembre 65

J'ai manqué une journée de classe par dégoût de l'école. C'était la dernière journée de l'année scolaire 1965. Samedi fut un Noël plat. Dès le matin Paul, un ami de mes parents, est venu nous chercher pour aller chez mes grands-parents. Nous avons dîné et soupé chez eux. Le lendemain nous étions invités chez ma tante Madeleine. Je n'y suis pas allé. La semaine de Noël fut malheureuse. J'espère que celle que j'entame sera réparatrice. J'ai l'intention d'aller à Montréal pour me procurer des livres.